jeudi, 24 août 2017
Récit d’une course mémorable, par Mona Rochon
Compte tenu des circonstances, ça aurait très bien pu être ma pire course à vie. C’était plutôt la plus belle!
Elle n’a pas été facile : je me suis étouffée dans la baie Saint-François. D’aplomb. Deux fois plutôt qu’une! Dès le départ, après à peine cinq coups de bras, je me suis étouffée quand j’ai reçu une vague en plein visage. Dans l’eau, je voyais des pieds un peu trop près de mon visage. Je me suis levé la tête vers l’avant pour prendre une respiration et voir exactement à quelle distance de mon visage étaient véritablement les pieds qui battaient dans l’eau. La vague m’a frappée pendant que j’inspirais. J’ai dû nager sur le dos pour reprendre mon souffle et réussir à me dégager, mais le mal était fait. Je me suis étouffée une seconde fois un peu avant la bouée qui signale le premier virage. J’ai soulevé la tête un peu plus haut pour prendre ma respiration, avant de me faire tirer vers le bas par une grosse vague. J’ai sorti tous les mots d’église que je connais, additionnés de quelques jurons en anglais! J’ai toussé l’eau de la baie jusqu’en fin de soirée.
La partie vélo était aussi difficile, du fait que je n’ai pas réussi à reprendre mon souffle de façon convenable. Les muscles ont besoin d’oxygène pour fournir un effort. Si l’on n’est pas en mesure de leur donner la quantité d’oxygène nécessaire parce que l’on a de l’eau dans les poumons, il se crée un déficit qui s’agrandit au fur et à mesure que le temps passe.
Il aurait été facile pour moi d’abandonner, de rentrer dans la zone de transition et de remettre ma puce. Ça n’a jamais été une option, même si j’y ai pensé plusieurs fois. Après la deuxième boucle de vélo. Puis avant la course à pied. À ce moment, je me suis dit que je m’étais déjà tapé les deux tiers de l’épreuve, et qu’il était hors de question d’abandonner.
J’y ai repensé lors de ma portion de course aussi. D’abord, parce que je n’ai pas été capable de courir plus de quelques dizaines de mètres. J’ai alors décidé que je terminerais à la marche. Facile à dire, mais quand on est bonne dernière, et que l’on voit les bénévoles qui s’affairent à démanteler les clôtures lors de notre passage, c’est décourageant! J’ai pensé abandonner. Sérieusement. Même quand une gentille bénévole s’est offerte pour m’accompagner sur le reste de mon parcours. Brigitte est ambulancière, dans sa vie de tous les jours. Elle a été extraordinaire! Elle m’a parlé presque tout le long, m’encourageant par toute sorte de moyens, allant me chercher à boire, m’offrant des douches d’eau froide dans les postes d’eau, parce que j’avais vraiment chaud.
Pas question d’abandonner
J’ai quand même dû me parler « dans le casque » pour ne pas lâcher après 2,5 km. J’ai dû me dire que j’ai payé pour être là, que je n’ai pas de temps limite, que j’ai le droit de le compléter, même si les clôtures sont à moitié défaites. Et je l’ai complété! J’ai tout donné ce que j’avais à donner, et c’est probablement ce qui fait que je suis fière de ma course, même si j’ai terminé dernière, très loin derrière les autres compétiteurs. Oh! Sans mes problèmes au début de l’épreuve, je serais quand même arrivée parmi les derniers compétiteurs. J’aurais mis une vingtaine de minutes de moins pour parcourir la distance, et serais arrivée à peu près en même temps qu’eux.
De tout temps, j’ai toujours eu une grande admiration pour ces athlètes qui font une contre-performance à cause de circonstances hors de leur contrôle, et qui poursuivent malgré l’échec évident. Clara Hughes en 1996 à Atlanta, Paula Findlay à Londres en 2012, Guido Visser à Nagano en 1998. Ils se sont rendus jusqu’au bout. Je ne suis pas une héroïne comme eux, mais je ne suis pas une lâcheuse non plus, et c’est peut-être grâce à ces athlètes qui ne soupçonnent probablement pas à quel point ils sont des modèles.
Des remerciements qui s’imposent
Je suis une coureuse de fond depuis 2008 et je participe à des épreuves de 5 km et de 10 km depuis 2010, malgré mon « physique peu avantageux », comme m’a décrite Carl Collin à la radio Max 103, plus tôt aujourd’hui. Si les triathloniens ont tous des défis à relever, j’ai eu besoin de beaucoup de soutien pour arriver à faire ma course d’hier. Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont offert ce soutien.
D’abord ma famille, mon mari et mes enfants. Mais aussi ceux qui m’ont aidé à me préparer. Mathieu, Camille et Karine, de la Cité des Arts et des Sports. Marc, le copain de Karine, qui a agi comme entraîneur adjoint à quelques reprises, et qui était là pour nous soutenir malgré la déception de son propre abandon, le matin même lors de son triathlon olympique. Aussi, Carole, Geneviève et ma cousine Isabelle, avec qui je me suis entraînée depuis janvier. Je ne sais pas si je referai un triathlon un jour, mais je suis contente que ces personnes fassent partie de ma vie. Elles ont toutes contribué à faire de ma course d’hier un beau souvenir, plutôt que celui d’une course à oublier. Je partage ma réussite avec eux. Ils en méritent tous un petit bout!
Il y a aussi la famille élargie et les connaissances qui m’ont encouragé tout au long de ma préparation, et pendant la course aussi. Mon oncle Yvan et mon amie Gaby, qui se sont déplacés pour venir m’encourager et m’offrir leur soutien moral. Ils ont aussi encouragé ma cousine Isabelle (une autre nièce d’Yvan), qui participait elle aussi à son premier triathlon. Mon oncle Pierre et ma tante Carole aussi, tout comme Dominic, le conjoint d’Isabelle et quelques-uns de leurs amis. Ils étaient là pour Isabelle, bien entendu, mais ne se sont pas gênés pour m’encourager. Ç’a été grandement apprécié!
Et finalement, un gros merci aux bénévoles du Triathlon de Valleyfield. Sans eux, il n’y aurait pas de course. De ceux qui font le montage et démontage du site, jusqu’à ceux qui sont aux abords des parcours sur route et dans la baie Saint-François, ils sont tous importants lors d’un tel événement. S’ils sont tous importants, je réserve un remerciement tout spécial pour Brigitte. Elle a probablement donné plus de vigueur à ma petite voix intérieure qui me disait de continuer quand j’avais envie d’abandonner.
Un défi incomparable
J’habite à Valleyfield depuis 2011. Je suis arrivée ici à la fin juillet, et les affiches de la 9e édition du Triathlon de Valleyfield étaient partout dans le centre-ville. Depuis six ans, donc, j’avais envie de faire ce triathlon. J’ai surmonté plusieurs obstacles pour y arriver. J’ai pu m’acheter un vélo il y a deux ans à peine. J’ai eu un horaire très chargé, avec mes cours, mon travail et le temps passé à enseigner à mon fils de 17 ans. Je n’ai appris à nager qu’en janvier. Enfin, j’ai toujours une aversion profonde pour la nage en eau libre, au milieu des algues et des poissons. Ce triathlon représentait un gros défi, et je suis fière de pouvoir dire que je l’ai réussi!